La Tunisie est le quatrième consommateur de produits en plastique au monde et le troisième pays en Afrique en termes de pollution environnementale après l’Egypte et l’Algérie. En méditerranée, 22 pays génèrent 24 millions de tonnes de déchets plastiques, dont 42% sont enfouis, 28% sont non collectés, en décharges non contrôlées ou à ciel ouvert, alors que 14% sont incinérés et seulement 16% sont recyclés, révèle le Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund /WWF). Les sacs en plastique à usage unique, interdits en vertu du décret n°32 du 16 janvier 2020 et bannis par les consommateurs avertis, mais souvent commercialisés, contribuent largement au désastre écologique en Tunisie. Une politique environnementale en dents de scie Si la protection de l’environnement en Tunisie semble être assurée par une panoplie juridique, notamment, la création de la première Agence nationale de la protection de l’environnement (ANPE) en 1988, le rythme de confection des textes de loi à ce sujet peine à se concrétiser au lendemain de la Révolution. Lancée en juin 2017 à un coût estimé à 3,2 millions de dinars conformément au Code des collectivités locales, la police de l’environnement, censée faire respecter les règles de propreté et lutter contre la prolifération des déchets dans 74 zones municipales, dont 34 au Grand Tunis, s’est rapidement désistée de l’action publique. Après une entrée en piste tambour battant avec près de 1 000 infractions signalées en quelques mois et une somme dérisoire de 51 000 dinars (18 500 dollars) versée dans les caisses de l’État, la brigade verte peine à mener à bien sa mission et les patrouilles de contrôle se font rares voire inexistantes. La faute à un cadre juridique flou, une incompréhension de son concept global et une inertie générale des autorités concernées. Quant à l’utilisation des sacs en plastique à usage unique, la Tunisie s’est lancée – sur les traces du Rwanda, la Tanzanie, l’Ethiopie ou encore le Malawi – dans la lutte contre ce fléau avec pour objectif : une interdiction définitive à partir de 2021, selon Chokri Ben Hassen, ancien ministre de l’Environnement, sous le gouvernement Elyes Fakhfakh. Cependant, aucune évolution concrète et notable n’a été constatée même après la publication du décret n°32 relatif aux types de sacs en plastique dont la production, l’importation, la distribution et la détention sont interdites sur le marché intérieur. Les sacs en plastique, souvent à usage unique, demeurent disponibles dans les grandes surfaces, les pharmacies et les commerces, sans parler du marché parallèle. Pire encore, le ministre de l’Industrie et des Petites et Moyennes entreprises, Salah Ben Youssef, avait autorisé, le 14 août 2020, en totale contradiction avec les engagements gouvernementaux, l’utilisation des sacs en plastique pour emballer le ciment afin d’augmenter, selon ses dires, la concurrence avec le recours aux sacs en papier en vue de baisser leur prix, suscitant ainsi l’indignation des activistes environnementaux et certains élus au Parlement. Des chiffres terrifiants Symbole de la société de consommation, les sacs en plastique se fabriquent en une seconde, s’utilisent pendant des dizaines de minutes et mettent, toutefois, entre 100 et 400 ans pour disparaître. En effet, plus de 500 milliards de sacs en plastique sont consommés chaque année sur la planète, dont seulement 5% sont recyclés. Quatrième consommateur de produits en plastique au monde, la Tunisie utilise annuellement près d’un milliard de sacs en plastique, dont environ 150 millions sont distribués par les petits commerces et 315 millions par les grandes surfaces, selon l’ancien ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Riadh Mouakher. La Tunisie est également le troisième pays en Afrique en termes de pollution environnementale après l’Egypte et l’Algérie avec un taux de pollution estimé à 75.12%, d’après la Fondation Heinrich-Böll. Un dernier rapport du Fonds Mondial pour la nature indique que 20% de la totalité des déchets en plastique produits en Tunisie finissent dans la nature en Méditerranée et coûtent 58 millions de dinars (20 millions de dollars) à l’économie nationale. La Tunisie, une poubelle à ciel ouvert Certes, l’absence de campagnes de sensibilisation et d’une stratégie nationale claire et cohérente contre l’usage des sacs en plastique y est pour une partie considérable de la crise écologique, mais le gouvernement n’est pas le seul à blâmer dans la bataille environnementale. Dépourvu d’enseignements civique et écologique, le système éducatif donne, depuis des décennies, naissance à des générations inconscientes des enjeux d’un environnement sain et propre. Au fil des années, le pays s’est transformé en un dépotoir à ciel ouvert, où les sacs en plastique et les déchets en tout genre sont partout : par terre, sur les plages et dans les rues. Un constat, sans appel, souvent décrié par les touristes venus des quatre coins du monde pour séjourner en Tunisie. Pour le WWF, les effets de la pollution plastique touchent la chaîne alimentaire, le contenu des assiettes des consommateurs et constituent aussi une menace pour les sols, les mers, les sédiments et les plantes. La société civile se mobilise Face à l’étendue du désastre écologique généré par les sacs en plastique, la société civile s’est mobilisée pour répondre aux urgences environnementales. La bataille est menée entre autres par le Collectif “Zéro Déchet Tunisie”, un ensemble de citoyens et d’associations qui militent pour la préservation de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie. Très actif sur les réseaux sociaux et sur le terrain, le Collectif multiplie les initiatives pour inciter les Tunisiens à limiter leur utilisation des sacs en plastique à usage unique et s’engager pour une Tunisie propre et sans déchets. Pour sa part, Noureddine Ghariani, collecteur au sein de l’association Tunisie Recyclage, confie à l’Agence Anadolu (AA) que son organisme transfère 240 kilos de sacs en plastique toutes les trois semaines à l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED) pour recyclage. Une solution indispensable pour freiner l’avalanche de déchets. De son côté, l’Association Tunisienne du Droit de l’Environnement (ATDE) a récemment signé un accord de coopération avec l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) pour mettre en place un cadre juridique pour la protection de l’environnement. Dans une déclaration accordée à AA, Mehdi Abdelli, président de l’ATDE, a affirmé que “de multiples accords bénévoles avaient été signés auparavant, sans être pour autant dûment appliqués”. Et d’ajouter “qu’en vertu du nouvel accord conclu avec l’ARP, l’association pourra présenter des projets de lois afin de solutionner les problèmes écologiques de façon durable”. À vrai dire, le fléau de la pollution plastique fait des ravages en Tunisie et à travers le monde. Pour y remédier, institutions publiques et privées, associations et citoyens lambdas devront se serrer les coudes et s’engager dans la durée avant que la situation ne leur échappe. (Source : Agence Anadolu)