La Directrice de l’ONTT pour le Royaume Uni et l’Irlande Wahida JAIET est, peut-être, la personne la mieux placée et la plus indiquée pour nous entretenir de la conjoncture sur le marché britannique, surtout après la faillite de Thomas Cook et à la veille du Brexit. Plus important encore est de nous éclairer sur ses perspectives d’avenir et d’écouter ses conseils pour sortir de la crise actuelle. Nous l’avons interviewé et voici ses réponses :
T.I : Quel le bilan du tourisme tunisien sur les marchés britannique et irlandais en 2019?
W.J : Sur le marché britannique, le bilan a été positif dans l’ensemble avec un taux de progression jusqu a 100% s et ce, jusqu’à l’annonce de la faillite de Thomas Cook.
Au total, les entrées ont totalisent 191 000 pax ; soit une hausse de 86% par rapport à la même période de 2018 ; et ce, au 10 octobre 2019.
Sachant que notre objectif initial annuel était de 200 000 pax, au vu des résultats, je pense que cet objectif sera atteint en dépit de la faillite de Thomas Cook ; car l’essentiel du trafic est généré durant la saison d’été soit d’ avril à octobre.
Pour l’Irlande, les réalisations sont très faibles ; compte tenu de l’absence totale de dessertes au départ de Dublin vers la Tunisie. Aucun TO ne programme la destination. Le marché a enregistré à peine 4 528 entrées au 10 octobre 2019.
T.I : Quelles sont les perspectives pour la basse saison 2019-2020?
W.J : La baisse conséquente du nombre de vols charters par rapport à la basse saison 2018/2019 va bien sur impacter le volume global des entrées vers la destination.
Aujourd’hui, le marché britannique offre à peine une dizaine de vols ; 3 charters assurés par TUI et 7 en régulier avec Tunisair.
L’effondrement de Thomas Cook a engendré une hausse des prix des packages et vols secs aussi bien chez le TO TUI que chez Tunisair.
Evidemment, cela ne sera pas sans effet pour le reste de la saison hiver 2019/2020, avec , en fonds d’écran, une issue de Brexit encore incertaine au 28 octobre 2019 ; laissant un consommateur fébrile et hésitant ; mais cela reste ponctuel : le Britannique ne va pas sacrifier ses vacances pour autant.
T.I : Quelles sont les perspectives pour les moyenne et haute saisons 2020 ?
W.J : Cela de pendra de notre capacité à convaincre les compagnies aériennes des pavillons national privé et public et étranger – à mettre en place des vols en remplacement -même partiellement- des vols de Thomas Cook.
Ce marché est connu pour son « early booking ». Il faut donc aller vite, si on veut sauver, amortir le choc et absorber une partie de la demande existante.
TUI a déjà injecté 5 vols hebdomadaires sur Enfidha pour l’été 2020 ; ce qui prouve bien que la demande est là, à nous de l’ accompagner et de la satisfaire.
T.I : Quelles conséquences va avoir le Brexit sur le tourisme tunisien?
W.J : Il faut rappeler que la Grande Bretagne est supposée quitter l’UE le 31 octobre 2019.
La partie européenne devait se prononcer sur un nouveau report du deadline initial du 31octobre ; laissant aux MPs le temps d’étudier les détails afférents au deal négocié par Boris Johnson. Un rebondissement est encore possible … une extension de 3 mois avant la sortie et des élections anticipées ..à suivre
Toujours est- il que la question du Brexit a créé une atmosphère d’incertitude pesante auprès d’une grande partie des Britanniques.
Cet état de fait a causé un fléchissement de la demande avec une propension pour les « domestic holidays » à court terme et pour d’autres un report des bookings .
En cas de no deal, les risques conjugués d’une Livre Sterling en perte de valeur, d’une montée certaine de l’inflation et de l’imposition de tarifs douaniers ne vont pas aider à booster la demande ; mais au contraire à réduire le pouvoir d’achat.
Mais soyons positifs ; car la réalité est que quelle que soit l’issue du Brexit, les vacances pour les Britanniques sont sacro-saintes et la Tunisie est une bonne option pour les vacances.
Toutefois, n’oublions pas que les destinations concurrentes en Méditerranée, comme l’Espagne et la Grèce, ou en dehors de l’union comme la Turquie, se déploient pour résorber le choc. Les destinations plus sévèrement touchées, comme l’Espagne, le Portugal la Grèce feront des concessions sur les prix des hotels…
Globalement, ce sera un challenge pour un grand nombre d’hôteliers et pas seulement ; car c’est toute la chaîne de distribution qui est affectée.
T.I : Quelles sont les perspectives de la destination Tunisie sur le marché britannique après la faillite de Thomas Cook?
W.J : TC représentait entre 50 à 60% du volume vers la Tunisie, partenaire No 1 sur ce marché.
C’est donc un vrai challenge pour le remplacer rapidement et assurer les mêmes capacités pour l’été 2020 et preparer 2021 et 2022
Cela est conditionné par plusieurs facteurs, l’aérien en premier lieu et notre capacité à nous repositionner face à une concurrence acharnée.
Dans cette configuration, le low cost nous semble être une nécessité et il y a lieu d’accélérer le processus visant l’open sky.
T.I : Quel est votre message aux professionnels tunisiens?
W.J : Tout d’abord, rester confiant. il ne faut pas se « désintéresser » de ce marché qui représente le 3eme marché émetteur sur la Tunisie en Europe
Son potentiel est énorme. Chaque année, 70 millions de britanniques voyagent à l’étranger dont 45 millions en mode vacances.
De ce fait, ils continueront de voyager vers des destinations notamment méditerranéennes toujours prisées. La Tunisie offre divers attraits et demeure une alternative intéressante et destination attractive pour les familles et les seniors en particulier. Ce marché a une capacité de résilience hors pair ; et il l’a démontré depuis son retour en Tunisie en février 2018.
A nous de repenser la stratégie commerciale et de produit et d’éviter de tomber à nouveau sous le « diktat » de mastodontes, en diversifiant les partenaires TO et les OTA ….
Enfin et surtout, ne pas brader les produits hôteliers!